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Traduzione e note a cura di Francesco Zevio
Translation and notes by Francesco Zevio
A M. le Rédacteur en chef du Figaro
Monsieur,
Il m’est arrivé plus d’une fois de lire le Figaro et de me sentir scandalisé par le sans-gêne de rapin qui forme, malheureusement, une partie du talent de vos collaborateurs. Pour tout dire, ce genre de littérature "frondeuse" qu’on appelle le "petit journal" n’a rien de bien divertissant pour moi et choque presque toujours mes instincts de justice et de pudeur. Cependant, toutes les fois qu’une grosse bêtise, une monstrueuse hypocrisie, une de celles que notre siècle produit avec une inépuisable abondance se dresse devant moi, tout de suite je comprends l’utilité du "petit journal". Ainsi, vous le voyez, je me donne presque tort, d’assez bonne grâce.
C’est pourquoi j’ai cru convenable de vous dénoncer une de ces énormités, une de ces cocasseries, avant qu’elle fasse sa définitive explosion.
Le 23 avril est la date où la Finlande elle-même doit, dit-on, célébrer le trois-centième anniversaire de la naissance de Shakespeare. J’ignore si la Finlande a quelque intérêt mystérieux à célébrer un poète qui n’est pas né chez elle, si elle a le désir de porter, à propos du poète-comédien anglais, quelque toast malicieux. Je comprends, à la rigueur, que les littérateurs de l’Europe entière veuillent s’associer dans un commun élan d’admiration pour un poète que sa grandeur (comme celle de plusieurs autres grands poètes) rend cosmopolite ; cependant, nous pourrions noter en passant que, s’il est raisonnable de célébrer les poètes de tous les pays, il serait encore plus juste que chacun célébrât, d’abord, les siens. Chaque religion a ses saints, et je constate avec peine que jusqu’à présent on ne s’est guère inquiété ici de fêter l’anniversaire de la naissance de Chateaubriand ou de Balzac. Leur gloire, me dira-t-on, est encore trop jeune. Mais celle de Rabelais ?
Ainsi voilà une chose acceptée. Nous supposons que, mus par une reconnaissance spontanée, tous les littérateurs de l’Europe veulent honorer la mémoire de Shakespeare avec une parfaite candeur.
Mais les littérateurs parisiens sont-ils poussés par un sentiment aussi désintéressé, ou plutôt n’obéissent-ils pas, à leur insu, à une très petite coterie qui poursuit, elle, un but personnel et particulier, très distinct de la gloire de Shakespeare ? […]
Parlons un peu du vrai but de ce grand jubilé. Vous savez, monsieur, qu’en 1848 il se fit une alliance adultère entre l’école littéraire de 1830 et la démocratie, une alliance monstrueuse et bizarre. Olympio [1] renia la fameuse doctrine de l’art pour l’art, et depuis lors, lui, sa famille et ses disciples, n’ont cessé de prêcher le peuple, de parler pour le peuple, et de se montrer en toutes occasions les amis et les patrons assidus du peuple. "Tendre et profond amour du peuple !" Dès lors, tout ce qu’ils peuvent aimer en littérature a pris la couleur révolutionnaire et philanthropique. Shakespeare est socialiste. Il ne s’en est jamais douté, mais il n’importe. Une espèce de critique paradoxale a déjà essayé de travestir le monarchiste Balzac, l’homme du trône et de l’autel, en homme de subversion et de démolition. Nous sommes familiarisés avec ce genre de supercherie. Or, monsieur, vous savez que nous sommes dans un temps de partage, et qu’il existe une classe d’hommes dont le gosier est obstrué de toasts, de discours et de cris non utilisés, dont, très naturellement, ils cherchent le placement. J’ai connu des gens qui surveillaient attentivement la mortalité, surtout parmi les célébrités, et couraient activement chez les familles et dans les cimetières pour faire l’éloge des défunts qu’ils n’avaient jamais connus. Je vous signale M. Victor Cousin comme le prince du genre.
Tout banquet, toute fête sont une belle occasion pour donner satisfaction à ce verbiage français ; les orateurs sont le fonds qui manque le moins ; et la petite coterie caudataire de ce poète (en qui Dieu, par un esprit de mystification impénétrable, a amalgamé la sottise avec le génie), a jugé que le moment était opportun pour utiliser cette indomptable manie au profit des buts suivants, auxquels la naissance de Shakespeare ne servira que de prétexte :
I° Préparer et chauffer le succès du livre de V. Hugo sur Shakespeare, livre qui, comme tous ses livres, plein de beautés et de bêtises, va peut-être encore désoler ses plus sincères admirateurs ;
2° Porter un toast au Danemark. La question est palpitante, et on doit bien cela Hamlet, qui est le prince du Danemark le plus connu. Cela sera d’ailleurs mieux en situation que le toast à la Pologne qui a été lancé, m’a-t-on dit, dans un banquet offert à M. Daumier [2].
Ensuite, et selon les occurrences et le crescendo particulier de la bêtise chez les foules rassemblées dans un seul lieu, porter des toasts à Jean Valjean [3], à l’abolition de la peine de mort, à l’abolition de la misère, à la Fraternité universelle, à la diffusion des lumières, au vrai Jésus-Christ, législateur des chrétiens, comme on disait jadis, à M. Renan, à M. Havin, etc., enfin à toutes les stupidités propres à ce XIXe siècle, où nous avons le fatigant bonheur de vivre, et où chacun est, à ce qu’il paraît, privé du droit naturel de choisir ses frères.
Monsieur, j’ai oublié de vous dire que les femmes étaient exclues de la fête. De belles épaules, de beaux bras, de beaux visages et de brillantes toilettes auraient pu nuire à l’austérité démocratique d’une telle solennité. Cependant, je crois qu’on pourrait inviter quelques comédiennes, quand ce ne serait que pour leur donner l’idée de jouer un peu Shakespeare et de rivaliser avec les Smithson et les Faucit.
Conservez ma signature, si bon vous semble ; supprimez-la, si vous jugez qu’elle n’a pas assez de valeur.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments bien distingués.
BAUDELAIRE, ANNIVERSARIO DI SHAKESPEARE
Al Sig. redattore in capo del Figaro
Signore,
mi è capitato più di una volta di leggere il Figaro e di sentirmi scandalizzato per la spudoratezza da imbrattacarte che forma, ahimè, parte del talento dei vostri collaboratori. A dire il vero, questo genere di letteratura “frondista” che chiamiamo petit journal non ha nulla di divertente per me e sciocca quasi sempre i miei istinti di giustizia e di pudore. Tuttavia, ogni volta che si drizza davanti ame una grande scemenza, una mostruosa ipocrisia, una di quelle che il nostro secolo produce con inestinguibile abbondanza, comprendo subitamente l’utilità del petit journal. Così, lo vedete, finisco quasi per darmi torto di buon grado.
Per questo ho creduto conveniente denunciarvi una di queste enormità, una di queste buffonerie, prima che esploda definitivamente.
Il 23 Aprile è la data in cui persino la Finlandia, si dice, deve celebrare il trecentesimo anniversario della nascita di Shakespeare. Ignoro se la Finlandia abbia qualche interesse misterioso a celebrare un poeta non suo, se abbia desiderio di fare qualche brindisi malizioso al poeta e commediografo inglese. Comprendo, a rigore, che i letterati dell’intera Europa vogliano associarsi in un comune slancio d’ammirazione per un poeta la cui grandezza (come quella di molti altri grandi poeti) rende cosmopolita: tuttavia, possiamo notare en passant che, se certo è ragionevole celebrare i poeti di tutti i paesi, è ancora più giusto che ognuno celebri, prima di tutto, i suoi. Ogni religione ha i suoi santi… e constato con amarezza che, fino ad ora, non ci si è minimamente preoccupati di celebrare l’anniversario della nascita di Chateaubriand o di Balzac. La loro gloria, mi si dirà, è ancora troppo giovane. Ma quella di Rabelais?
Però bene, insomma, accettiamo la cosa. Supponiamo che, mossi da una riconoscenza spontanea, tutti i letterati d’Europa vogliano onorare la memoria di Shakespeare con un candore immacolato. Ma i letterati parigini sono davvero spinti da un sentimento cosi disinteressato, o non obbediscono piuttosto, a loro insaputa, a una piccola cricca che persegue, lei, uno scopo personale e particolare, assai distinto dalla gloria di Shakespeare? […]
Parliamo un po’ del vero scopo di questo giubileo. Voi sapete, Signore, che nel 1848 si saldò un’adultera alleanza tra la scuola letteraria del 1830 e la democrazia – un’alleanza mostruosa e bizzarra. Olympio [1] ripudiò la celebre teoria de l’arte per l’arte e, da allora, lui, la sua famiglia, i suoi discepoli non hanno mai smesso di predicare per il popolo, di parlare per il popolo, di mostrarsi in tutte le occasioni come gli amici e i protettori assidui e indefettibili del popolo. “Profondo e tenero amor del popolo!” Da allora, tutto ciò che potevano amare in letteratura ha preso colore rivoluzionario e filantropico. Shakespeare è socialista. Non l’aveva mai sospettato, ma che importa. Una specie di critica paradossale ha cercato di travestire il monarchico Balzac, uomo di trono e d’altare, in uomo di sovversione e demolizione. Siamo familiarizzati a questo genere di truffa. Ora, Signore, voi sapete che siamo in un tempo di ripartizione, e che esiste una classe di uomini il cui gozzo è intasato da brindisi, di discorsi e grida inutilizzate che, assai naturalmente, cercano di piazzare. Ho conosciuto della gente che sorvegliavano attentamente la mortalità, soprattutto fra i personaggi celebri, precipitandosi nelle famiglie o ai cimiteri per tessere lodi di defunti che non avevano mai conosciuto. Vi segnalo il Sig. Victor Cousin come principe del genere.
Ogni banchetto, ogni festa è una buona occasione per soddisfare questa sproloquiante tiritera francese; gli oratori non sono certo il fondo che manca, e la combriccola adulatoria di questo poeta (in cui Dio, con uno spirito di mistificazione impenetrabile, ha amalgamato sciocchezza e genio) ha giudicato che il momento era opportuno per utilizzare questa indomabile mania a profitto dei seguenti scopi, ai quali la nascita di Shakespeare non servirà che da pretesto:
1° Preparare il campo e predisporre il successo del libro di Victor Hugo su Shakespeare: libro che, come tutti i suoi libri, pieno di bellezze e sciocchezze, andrà forse a desolare ancora di più i suoi più sinceri ammiratori;
2° Fare un brindisi alla Danimarca. La questione è scottante… e certo Amleto se lo merita, essendo il più celebre principe di Danimarca. Questo sarà peraltro più in linea con le circostanze che il brindisi alla Polonia proposto, mi è stato detto, nel corso di un banchetto offerto a M. Daumier [2].
In seguito, e secondo le occorrenze e il crescendo particolare della scempiaggine delle folle assembrate in un solo luogo, proporre brindisi a Jean Valjean [3], all’abolizione della pena di morte, all’abolizione della miseria, alla Fraternità universale, alla diffusione dei Lumi, al vero Gesù Cristi legislatore dei Cristiani, come già si diceva a M. Renan, a M. Havin eccetera eccetera e insomma: a tutte le stupidità proprie a questo nostro XIX secolo, nel quale abbiamo la faticosa gioia e fortuna di vivere e nel quale ognuno è, a ciò che sembra, privato del diritto naturale a scegliere i propri fratelli.
Signore, ho dimenticato di dirvi che le donne erano escluse dalla festa. Belle spalle, belle braccia, bei volti e trucchi brillanti avrebbero potuto nuocere all’austerità democratica di tale solennità. Credo tuttavia che si potrebbe invitare qualche attrice, non fosse che per dargli l’idea di rappresentare un po’ di Shakespeare e rivaleggiare un po’ con gli Smithson e i Faucit.
Conservate la mia firma, se vi pare – sopprimetela, se giudicate che non abbia abbastanza valore.
Vogliate gradire, Signore, la garanzia dei miei sentimenti più distinti.
NOTE
Forse riferito al poema Tristesse d’Olympio di Victor Hugo.
Con buona probabilità Baudelaire sta qui riferendosi alla Guerra di Schleswig, combattuta tra Danimarca e Confederazione Germanica proprio nel 1864. Questo, probabilmente, per ribadire l’ingerenza di politica e ideologia in quello che dovrebbe essere il libero campo dell’arte.
Un personaggio ne Les misérables di Victor Hugo.
BAUDELAIRE, SHAKESPEARE'S ANNIVERSARY
To the Editor-in-chief of Le Figaro
Sir,
It has happened to me more than once to read Le Figaro and to feel scandalized by the scribblers’ shamelessness which unfortunately forms part of the talent of your collaborators. To be honest, this kind of “riotous” literature which they call the petit journal is not very entertaining to me and almost always shocks my instincts for justice and modesty. Nevertheless, whenever a big nonsense, a monstrous hypocrisy, one of those which our century produces with inexhaustible abundance arises in front of me, I immediately understand the usefulness of the petit journal. So, you see, I’m almost saying that I am wrong.
This is why I thought it appropriate to tell you about one of these enormities, one of these buffoonery, before it makes its final explosion.
April 23rd is the day Finland itself is said to be celebrating the three hundredth anniversary of Shakespeare’s birth. I do not know whether Finland has some arcane interest in celebrating a poet who was not born within its boundaries, whether it hanker after making some malicious toast about the English poet-comedian. Strictly speaking, I understand that literati all over Europe want to join together in a common wave of admiration for a poet whose greatness (like that of several other great poets) makes cosmopolitan; however, we might notice en passant that, if it is reasonable to celebrate the poets of all countries, it would be even more just for each country to first celebrate its own. Each religion has its saints… and I remark with pain that, so far, little has been done here to celebrate the anniversary of the birth of Chateaubriand or Balzac. Their glory, I will maybe be told, is still too young. But that of Rabelais?
Well, let’s just accept this. Let’s suppose that, prompted by a spontaneous recognition, all Europe’s literati want to honour the memory of Shakespeare with perfect candour.
But are the Parisian literati pushed by such a disinterested feeling? Do they not rather unwittingly obey a very small coterie which pursues a personal and particular goal, very distinct from the Shakespeare’s glory? […]
Let us talk a bit about the real purpose of this great jubilee. You may know, sir, that in 1848 was formed an adulterous alliance between the literary school of 1830 and democracy, a monstrous and bizarre alliance. Olympio [1] renounced the famous doctrine of art for art’s sake and since then he, his family and his disciples have never ceased to preach to the people, to speak for the people, to present themselves as friends and assiduous patrons of the people. “Tender and deep love for the people!” From then on, all that they could love in literature took on a revolutionary and philanthropic hue. Shakespeare is a socialist. He has never even suspected it, but it doesn’t matter. A kind of paradoxical criticism has already tried to disguise the monarchist Balzac, the man of the throne and the altar, as a man of subversion and demolition. We are familiar with this kind of deceptions. Now, sir, you may know that we are in a time of sharing: and that there is a class of men whose throats are clogged with toasts, speeches and unused cries for which, very naturally, they seek a placement. I have known people who carefully monitor mortality, especially among celebrities, and actively run to families and cemeteries to praise deceased they had never known. I would like to point out to you M. Victor Cousin as the prince of the genre.
Every banquet, every celebration is a fine occasion to give satisfaction to this French verbiage; speakers are the least missing endowment; and the little following coterie of this poet (in whom God, by a spirit of impenetrable mystification, mingled foolishness and genius), judged that the moment was come to use this wild and untameable craze for the benefit of the following ends, to which the Shakespeare’s birth will only serve as a pretext:
I ° Prepare and warm up the success of V. Hugo’s book on Shakespeare: a book which, like all his books, full of beauties and stupidities, will perhaps even deeper sorrow his most sincere admirers;
2 ° Toast to Denmark. The question is thrilling… and we owe it to Hamlet, Denmark’s best-known prince. In any case, it will be better in situation than the toast to Poland which was proposed, I am told, at a banquet given to Mr Daumier [2] .
Then, and depending on the occurrences and the particular crescendo of stupidity raising among crowds gathered in one place, we may expect a toast to Jean Valjean [3] , to abolition of death penalty, to abolition of misery, to universal Fraternity, to the diffusion of enlightenment, to Jesus Christ true legislator of Christians, as we used to say, to M. Renan, to M. Havin, etc. and finally to all the emblematic stupidities of this nineteenth century of our, in which we have the exhausting gladness of living and each one of us is, it seems, deprived of the natural right to choose his brothers and mates.
Sir, I forgot to tell you that women will be excluded from the gathering. Beautiful shoulders, beautiful arms, beautiful faces and shiny toiletries could have harmed the democratic austerity of such a solemnity. However, I think we could invite a few actresses… for nothing but to give them the idea to actually play a bit of Shakespeare and compete with the Smithsons and the Faucits.
Keep my signature, if you wish; delete it, if you feel it is not valuable enough.
I praise you to accept, Sir, the assurance of my very distinguished sentiments.
NOTES
Perhaps a reference to Victor Hugo’s poem Tristesse d’Olympio.
In this passage, Baudelaire is probably referring to the Schleswig War, fought between Denmark and the German Confederation in 1864. This is probably done in order to reiterate the interference of politics and ideology in what should be the free field of art.
A character of Victor Hugo’s Les misérables.
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